J’ai l’honneur de vous anoncer que j’ai remis mon faible tribut annuel au Capitaine Chazal, de Charleston, dont le navire etait en chargement au havre de grace et Se proposait d’en partir pour retourner dans Sa patrie vers la fin de février dernier. Il est composé d’une centaine d’especes de graines de vegetaux utiles et agréables renfermées dans une petite caisse à votre adresse. Je desire que cet assortiment vous Soit parvenu et qu’il vous reusisse bien.

Il me parait que les Etablissemens Scientifiques ainsi que les Societes liberales Se multiplient dans votre chere Patrie et que les Sciences y font de rapides progrès. C’est vous, Monsieur, qu’il y avéz donné cette Salutaire impulsion. Ne Serait-il pas tems de S’occuper, actuellement, que l’amerique Se peuple considerablement, d’Etablir de bonnes Ecoles d’Economie rurale et domestique, à l’Instar1 de celle formée par M. de fellemberg, en Suisse; les quelles en presentant des modeles de toutes les cultures utiles à etablir en amerique, offriraient encore des fabriques, des Usines perfectionees ainsi que des outils, ustenciles, machines et Substances propres à l’exploitation des fermes, Metairies et autres biens ruraux? Il me Semble que le moment est favorable pour mêttre un tel projet en execution et que Si l’on attend plus tard il Sera plus difficile de l’executer. Mais ce n’est pas a moi a dire ce qui convient le mieux à votre patrie. elle a en vous, Monsieur, un Juge bien plus éclairé Sur Ses veritables interêts et Sur les moyens de les remplir.

J’ai appris avec une vive Satisfaction qu’on etait enfin parvenu à cultiver la vigne avec Succès, Sur les côteaux bordés par l’ohio. C’est vraiment un tresor pour L’amerique qui vaut beaucoup plus que les mines d’or du Perou. En occupant a Sa culture une population nombreuse elle retiendra dans le pays les Sommes considerables qui en Sortes pour L’acquisition de cette utile liqueur. Mais il faudrait trouver les moyen d’empecher ce qui arrive en Europe dans tous les pays de Vignoble. C’est que les habitans y Sont pauvres et presque tous malheureux deformés dans leur physique et affectés pour la plupart de maladies qui abregent leur carière, comparativement aux Cultivateurs de grains. Ses accidens Sont occasionnés par L’Irregularite des recoltes, par la nature du Travail et plus encore par la forme des outils dont ils Se Servent pour cultiver la vigne. Il est je crois des moyens de remedier en grande partie à tous ces malheurs. l’Etablissement de caisses d’assurances, d’une part ensuite l’emploi d’outils a long manche d’un autre part ou même celui de petites charrues Substituée2 a la houe remplirait ces buts, en beaucoup de circonstances. Quelques essais qui été faits ici Semblent prouver la verite de ces assertions.3

Pardon, Monsieur, de vous entretenir Si long tems, mais je n’ai pû resister au plaisir de vous parler de votre chere Patrie; Sur la quel la plupart des habitans de cette vieille Europe ont les yeux fixés, les uns par Jalousie les autres par L’envie de S’y rendre et de L’habiter. Aussi les gouvernants ne manquent-ils pas d’en faire dire beaucoup de mal par leurs journeaux mais cela ne fait rien aux personnes qui Savent les entendre; au contraire parce que Sachans qu’ils disent toujours l’opposé de la verite, ils n’ont pas de peine de la reconnoître aux Soins qu’ils prenent pour la cacher.

Veuilléz je vous prie me Permettre de vous renouveller, l’expression des Sentimens de vénération que vous voue depuis longtems et pour toujours