Benjamin Franklin Papers

The Duc de Croÿ’s Account of a Dinner with Franklin, [1 March 1779]

The Duc de Croÿ’s Account of a Dinner with Franklin8

Reprinted from the vicomte de Grouchy and Paul Cottin, eds., Journal inédit du duc de Croÿ, 1718–1784 … (4 vols., Paris, [1906–7]), IV, 167–9.

[March 1, 1779]

Le 1er mars, j’allai chez lui, à Chaillot, où il logeait à la petite maison du fond, ci-devant au prince de Monaco, où j’avais tant été dans ma jeunesse. M. de Chaumont occupait la grande et jolie maison, et ce petit réduit très modeste, mais commode, jouissant du superbe jardin et à proximité du Bois de Boulogne, avait été prêté ou loué à M. Franklin.9 On y arrive par Chaillot et une autre petite rue écartée où il n’était pas aisé de le trouver, et tout s’y ressentait de la modestie économique du philosophe.

Il n’était pas rentré. Je me promenai dans les beaux et immenses jardins de M. de Chaumont; ensuite, on me proposa d’entrer dans le bureau. J’y trouvai à l’ouvrage deux jeunes gens dont j’appris, ensuite, qu’un était son petit-fils.1 J’y dressai mon mémoire pour M. Cook,2 et nous y causâmes agréablement. Toutes les cartes entouraient la salle. Je remarquai que je les avais toutes, et j’étais bien aise d’être au centre des nouveaux Américains, pour l’Europe, car c’était là le bureau principal.

A deux heures, M. Franklin revint. Il me fit dire que je pouvais entrer, et il me donna toujours la main en ami, car nous étions bien ensemble. Je le priai de lire ma note pour M. Cook, et l’attention que tous les bâtiments insurgents devaient avoir pour lui. Il la lut avec grande attention, puis, avec son laconisme sublime, il me dit: “Cela sera fait!”3

Comme j’entamais pour M. Walker, ce député des Barbades établi à Calais, qu’il me dit bien connaître, et homme de mérite, on vint dire qu’on avait servi.4 Il me dit: “Si vous voulez dîner, nous parlerons après!” Je crois réellement qu’il est quaker, à la manière de ces compliments dont la rigide simplicité a, pourtant, de la grandeur.

Je passai sans hésiter, et je fis, sans qu’on en fît de compliment, un dîner très frugal, où il y avait, cependant, le nécessaire. Il n’y avait qu’un service, et tout à la fois, sans soupe. Heureusement, je trouvai deux plats de poisson, un pudding excellent et de la pâtisserie, et j’en eus bien assez. Ils ne faisaient pourtant que ce repas. En effet, je n’étais pas attendu. Il n’y avait à table, outre lui et moi, que les deux jeunes gens du bureau, un enfant en pension, et un Anglais taciturne.5 Je causai avec son petit-fils, qui était aimable.

M. Franklin sortait d’un grand accès de goutte pour lequel il venait de se baigner.6 Il était changé et affaibli et tirait à sa fin. Il mangea de grosses viandes froides, but trois ou quatre rasades de bon vin, et fut tranquille et parla peu. Tout respirait, là, la simplicité et l’économie. Trois personnes faisaient tout le domestique. On lui prêtait un carrosse7 quand il devait sortir, et, assurément, on ne pouvait pas moins coûter au Congrès. Cependant, il venait d’être accrédité ministre de l’Amérique à notre Cour, et il devait, dans peu de jours, aller, avec le corps diplomatique, les mardis, à l’audience du Roi. On l’en dissuadait, disant que les autres ambassadeurs et envoyés ne le reconnaîtraient pas, mais il comptait y aller, s’il pouvait marcher.8

Après ce dîner, qui fut remarquable, tout le monde s’échappa et je me retrouvai, comme devant, tête à tête avec lui dans son petit cabinet et je repris la conversation, comme si elle n’avait pas été interrompue.

Il me dit que je pouvais me fier à M. Walker. Voyant qu’il était difficile d’en tirer quelque chose pour lui faire voir comme je les avais bien aidés, il me vint à l’idée de lui faire lire le grand mémoire que j’avais donné à M. de Maurepas,9 que je retrouvai dans ma poche.

Il le lut très posément, puis, me le rendant, il me dit, avec son ton sentencieux: “Ce ne sont pas là des mots mais des choses; vous y êtes; vous écrivez et pensez bien!” On pouvait un compliment plus long, mais non plus honnête.

Espérant l’avoir un peu échauffé, j’entrai en matière. Je dis: “Nous comptions sur l’Espagne!” Il me répondit: “Cela ne nous donnera pas bonne idée du Pacte de famille!” Il ajouta: “Elle devrait pourtant songer que nous pouvons être des voisins utiles, car, à présent, chez nous, tout homme est soldat!” Cétait précisément ce qui pouvait donner à l’Espagne, avec raison, plus de crainte que d’espérance.1

Comme je le poussais, et ayant vu, par mon mémoire, que j’étais au fait, il lâcha le mot, en disant d’un ton ferme et noir: “Nous n’avons plus d’argent!”2 Enfin, je vis très bien, comme je le savais d’ailleurs, qu’ils étaient tout à fait à bout, et mécontents. Il prétendit que les divisions, chez eux, n’étaient que personnelles, et non sur le fond. Il s’écria pourtant, et contre son caractère: “C’est une vilaine chose que ce monde!”

Je dis: “Je pense que tout en restera là; que les Anglais garderont les places qu’ils tiennent, et vous autres le reste, mais qu’ils vous bloqueront par mer.” Il dit: “Ils devraient bien tout quitter! Comme vous dites, il faudrait de grands efforts!”

Voyant que je n’en tirerais rien de plus, je le quittai, mais je remarquai bien que tout baissait, de ce côté-là. Tout cela était d’autant plus curieux, qu’outre l’inventeur de l’électricité, le philosophe créateur d’une grande nation, c’était le moteur et le principal chef de la révolte.

En le quittant, je l’exhortai à presser. Il me dit: “Je tâcherai de voir M. de Maurepas, mais je crains son escalier!” Je vis que c’étaient deux goutteux embarrassés.

[Note numbering follows the Franklin Papers source.]

8Drawn from his informative journal, from which we previously published an extract: XXVI, 140–1.

9For BF’s residence at Passy and his landlord Jacques-Donatien Le Ray de Chaumont see XXIII, 244–6, and the illustration facing XXIV, 170. Chaumont’s estate once had been owned by Prince Jacques I of Monaco: Meredith Martindale, “Benjamin Franklin’s Residence in France: The Hôtel de Valentinois in Passy,” The Mag. Antiques, CXII (1977), 266.

1WTF’s colleague was almost certainly BF’s secretary Nicolas-Maurice Gellée (XXVI, 287n).

2His letter of March 1, above.

3A promise fulfilled on March 10, below.

4George Walker had left his post as London agent for Barbados in 1778: XXV, 162n. His association with BF dates back to the latter’s years in London; in 1774 and 1775 they both had lobbied against the restraint of American commerce by Britain. Walker was one of the two West India merchants who had testified before the House of Commons: see XXI, 489, and for Walker’s testimony, R.C. Simmons and P.D.G. Thomas, eds., Proceedings and Debates of the British Parliaments Respecting North America 1754–1783 (6 vols. to date, New York, 1982–), V, 555–65. In later years Walker acknowledged a personal debt to the duc de Croÿ: to BF, Dec. 1, 1782 (APS).

5The taciturn Englishman may well have been the American Edward Bancroft, who was awaiting his departure for England to expedite the exchange of prisoners, a mission subsequently cancelled: XXVIII, 587–8. The “enfant en pension” was BFB, to be sent off to Geneva the following month.

6In fact, the reason for BF’s bathing was a worsening of his skin condition, as noted the previous day in the journal of his health (XXVII, 499). The attack of gout that had tormented him since Feb. 17 was subsiding at this point, and he enjoyed a brief respite between Feb. 28 and early March, when he suffered a relapse that lasted until March 22: see XXVII, 499, and his letter of March 22 to Saint-Lambert.

7BF actually rented the carriage from Chaumont: XXVIII, 4n.

8BF’s gout prevented him from presenting his new diplomatic credentials as American minister plenipotentiary to Louis XVI until March 23: XXVIII, 565, 607.

9Jean-Frédéric Phelypeaux, comte de Maurepas, Louis XVI’s chief minister. As mentioned at the end of this account, he was a fellow sufferer from gout.

1The 1759 defensive alliance between France and Spain was known as the Pacte de Famille because its signers, Louis XV and Charles III, were cousins and fellow members of the House of Bourbon. Spain, lacking any interest in American independence, had not actively joined the war; French Foreign Minister Vergennes a few weeks earlier had authorized his ambassador in Madrid to sign whatever convention was necessary to win her cooperation: Dull, French Navy, p. 137. For a discussion of the Franco-Spanish negotiations see our annotation of BF’s May 26 letter to the committee of foreign affairs.

2BF could rightfully be complaining of his own financial difficulties as American minister; we believe, however, that both here and later in the paragraph he is speaking of Congress. See his May 26 letter to the committee of foreign affairs for an extended discussion of both matters.

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