Benjamin Franklin Papers

From Benjamin Franklin to the Abbé Morellet, [after 5 July? 1779]

To the Abbé Morellet8

Reprinted from M. Lémontey, ed., Mémoires de l’abbé Morellet … (2 vols., Paris, 1821), I, 294–7; copy: American Philosophical Society

[after July 5, 1779?]

Vous m’avez souvent égayé, mon très-cher ami, par vos excellentes chansons à boire; en échange, je désire vous édifier par quelques réflexions chrétiennes, morales et philosophiques sur le même sujet.

In vino veritas, dit le sage. La verité est dans le vin.

Avant Noé, les hommes, n’ayant que de l’eau à boire, ne pouvaient pas trouver la verité. Aussi ils s’égarèrent; ils devinrent abominablement méchans, et ils furent justement exterminés par l’eau qu’ils aimaient à boire.

Ce bonhomme Noé, ayant vu que par cette mauvaise boisson tous ses contemporains avaient peri, la prit en aversion; et Dieu, pour le désaltérer, créa la vigne, et lui révéla l’art d’en faire le vin. Par l’aide de cette liqueur, il découvrit mainte et mainte vérité; et depuis son temps, le mot deviner a été en usage, signifiant originairement découvrir au moyen du vin.9 Ainsi, le patriarche Joseph prétendait deviner au moyen d’un coupe ou d’un verre de vin, liqueur qui a reçu ce nom pour marquer qu’elle n’était pas une invention humaine, mais divine; autre preuve de l’antiquité de la langue française contre M. Gébelin.1 Aussi, depuis ce temps, toutes les choses excellentes, même les déités, ont eté appellées divines ou divinités.

On parle de la conversion de l’eau en vin, à la noce de Cana, comme d’un miracle. Mais cette conversion est faite tous les jours par la bonté de Dieu devant nos yeux. Voilà l’eau qui tombe des cieux sur nos vignobles; là, elle entre les racines des vignes pour être changée en vin; preuve constante que Dieu nous aime, et qu’il aime à nous voir heureux. Le miracle particulier a été fait seulement pour hâter l’opération, dans une circonstance de besoin soudain qui le demandait.

Il est vrai que Dieu a aussi enseigné aux hommes à réduire le vin en eau. Mais quelle espèce d’eau? — L’eau-de-vie; et cela, afin que par-là ils puissent eux-mêmes faire au besoin le miracle de Cana, et convertir l’eau commune en cette espèce excellente de vin qu’on appelle punch. Mon frère chrétien, soyez bienveillant, et bienfaisant comme lui, et ne gâtez pas son bon breuvage.

Il a fait le vin pour nous réjouir. Quand vous voyez votre voisin à table verser du vin en son verre, ne vous hâtez pas à y verser de l’eau. Pourquoi voulez-vous noyer la verité? Il est vraisemblable que votre voisin sait mieux que vous ce qui lui convient. Peut-être il n’aime pas l’eau: peut-être il n’en veut mettre que quelques gouttes par complaisance pour la mode: peut-être il ne veut pas qu’un autre observe combien peu il en met dans son verre. Donc, n’offrez l’eau qu’aux enfans. C’est une fausse complaisance et bien incommode. Je dis ceci à vous comme homme du monde; mais je finirai comme j’ai commencé, en bon chrétien, en vous faisant une observation religieuse bien importante, et tirée de l’Ecriture Sainte, savoir, que l’apôtre Paul conseillait bien sérieusement à Timothée de mettre du vin dans son eau pour la santé;2 mais que pas un des apôtres, ni aucun des saints pères, n’a jamais conseillé de mettre de l’eau dans le vin.

P.S. Pour vous confirmer encore plus dans votre piété et reconnaissance à la providence divine, réfléchissez sur la situation qu’elle a donnée au coude. Vous voyez, figures 1 et 2, que les animaux qui doivent boire l’eau qui coule sur la terre, s’ils ont des jambes longues, ont aussi un cou long, afin qu’ils puissent atteindre leur boisson sans la peine de se mettre à genoux. Mais l’homme, qui était destiné à boire du vin, doit être en état de porter le verre à sa bouche. Regardez les figures ci-dessous: si le coude avait été placé plus près de la main, comme en fig. 3, la partie A aurait été trop courte pour approcher le verre de la bouche; et s’il avait été placé plus près de l’épaule, comme en fig. 4, la partie B aurait été si longue, qu’il eût porté le verre bien au delà de la bouche: ainsi nous aurions été tantalisés. Mais par la présente situation, représentée fig. 5, nous voilà en état de boire à notre aise, le verre venant justement à la bouche. Adorons donc, le verre à la main, cette sagesse bienveillante; adorons et buvons.3

[Note numbering follows the Franklin Papers source.]

8This undated letter was inspired, we believe, by Morellet’s drinking song, above. There can be no question that BF drafted it in French. It revolves around a string of untranslatable puns on the word vin: deviner, to soothsay; divin, divine. The perfect grammar of the final version is obviously not BF’s own, though in this case, we do not know which of his friends served as linguistic advisor.

The only surviving MS of this letter is a contemporary copy in an unidentified hand. It bears Cabanis’ notation, “Lettre de M Franklin a m. l’abbe,” includes a footnote (quoted below) which did not appear in any of the later printed versions, and crudely reproduces the figures. The text is marred, however, by various slips of the pen, and erratic punctuation and capitalization. We therefore publish a printed version which was presumably taken from the ALS.

WTF published the letter, with an English translation, in Memoirs, III, 347–50, placing it with the Bagatelles. To the best of our knowledge, BF never printed it on the Passy press.

9Footnote in the MS copy:

Scyphus dit son homme d’affaires par ses ordres quem furati estis ipse est in quo bibit dominus meus et in quo augurari solet. Genese 44. 5.

L’orateur Romain qui est bien connu par ses mauvaises poesies d’etre un buveur d’eau confesse franchement dans son livre de divinatione, peut-etre qu’il ne savoit pas deviner quid futurum est non divino.

BF is mixing erudition with fancy. The Latin quotation from Genesis can be translated, “What you have stolen is that in which my lord drinks and in which he is accustomed to divine.” Scyphus, hardly a Biblical figure, is a kind of drinking cup. The second paragraph refers to Cicero and his De Divinatione: the poet, a drinker of water, admits that he might not be able to foretell the future. BF’s disparagement of Cicero’s drinking habits seems to derive from a brief passage near the end of De Divinatione. Following the extensive considerations of various methods of divination, Cicero discounts, in one brief sentence, the “countless delusions of drunk or crazy men”, asking: who will not occasionally hit a mark if he shoots long enough? De Divinatione, II, 121.

1A facetious allusion to their common friend, Antoine Court de Gébelin, author of Le Monde primitif, analysé et comparé avec le monde moderne; see XIX, 342n; XXVI, 131.

2“Drink no longer water, but use a little wine for thy stomach’s sake and thine often infirmities.” 1 Timothy 5:23.

3The accompanying figures, reproduced here, were engraved after the original drawings by WTF.

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