Quoique nous soyons séparés par un immense océan; quoique chacun de nous placé dans deux mondes différens, laissant à vous de nommer le votre l’ancien, ou le nouveau, je conserve, monsieur, et je conserverai tout le peu de vie qui me reste le souvenir de la candeur de votre ame, et celui de la bienveillance particuliere, avec la quelle vous m’avez honoré si long tems dans ce païs-ci. Jusqu’à present j’ai gardé le silence, premierement pendant la tyrannie de L’Usurpateur; en second lieu parce que je ne savais comment vous faire parvenir mes Lettres. Enfin votre nouvel Ambassadeur m’invite très honnêtement à Lui confier ma Lettre, et même il m’ecrit qu’il sera charmé de faire ma connoissance. Je suis flatté de pouvoir présenter mes hommages à un de vos Successeurs. Je n’ai pas beaucoup1 compté dans le tems sur les faveurs de feu Mr Barlow, homme d’esprit; mais voilà tout ce2 qu’on pouvait dire de lui. Il reste ici un Mr Parker, qui me connaît bien; mais qui n’est entouré que de mauvais sujets. moi je finis ma carriére tranquillement; mais privé de fortune je suis obligé de courir cette populeuse ville tous les jours pour donner des Leçons de Langue italienne, seule ressource pour me procurer une existence quelconque très précaire. Le Roy de Naples, que j’ai servi 21. ans ne veut plus de moi à cause de la démission de son service, que je fus forcé de donner au commencement de la Revolution, parce que j’eus le malheur de me trouver en opposition avec la façon de penser de Mr de Circello, pour lors ambassadeur ici, et actuellement premier ministre à Naples. Ce Circello est inexorable; il s’est réfusé meme aux instances que lui a fait faire en ma faveur S. A. R. la Duchesse d’Orléans, qui est, comme vous savez, la fille de Ferdinand IV. N’importe, vous me restez, monsieur, et c’est assez pour mon coeur. conservez vous pour vous, et pour L’humanité entiére, car on sçait tout le bien, que vous avez fait dans votre Présidence, et que vous faites encore par vos conseils. Donnez moi, je vous en supplie, de vos nouvelles, et si je3 puis mériter vos ordres de telle façon que cela soit, ne m’en privez pas, je suis un instrument faible, et cassé, mais le nom de Jefferson m’electrisera, et je serais celui de trente ans auparavant.