Depuis peu je suis revenu d’une tournée en Virginie & quoique ce voyage n’ait rien de commun avec les affaires, j’ai cependant cru que Votre Excellence ne serait pas fachée d’en apprendre la relation, ne l’ayant entrepris que pour présenter mes respects à Mr Jefferson. La campagne qu’il habite se trouve en Virginie à peu près à 200. werstes au Sud de Washington. Après être parvenu à Monticello tant bien que mal par d’assez mauvais chemins, j’ai été grandement récompensé par le séjour que j’y ai fait. Mr Jefferson réunit les rares qualités de l’homme d’Etat, du Savant & de l’homme aimable. Son esprit actif embrasse tout ce qui est utile ou intéressant; par l’invention d’une nouvelle charrue il hâte les progrets de l’agriculture & dans le même tems il rectifie par des observations astronomiques la position de son pays.

Dès mon arrivée aux Etats-Unis j’avais écrit à Mr Jefferson pour lui faire connaître combien Sa Majesté l’Empereur conservait d’estime & de considération pour lui & à Monticello je lui ai répété de vive voix tout ce que Sa Majesté Impériale m’avait chargé de lui dire.

C’est toujours avec la plus vive sensibilité que Mr Jefferson parle de son attachement pour Sa Majesté l’Empereur; il sait dignement apprécier les rares qualités d’un Souverain Philantrope & Son buste se trouve dans son sallon.

Je ne connais pas de vieillesse plus heureuse que celle de Mr Jefferson; malgrè 68. ans il conserve toute la vigueur & toute la vivacité de son esprit; il est entouré de sa fille & de ses petits enfans qui le chérissent au delà de toute expression; il est justement estimé par tout homme bien pensant & loin des intrigues du monde il a la jouissance de voir prospérer le pays qu’il a contribué à rendre indépendant & heureux.