feu le Général Kosciuszko m’ayant honoré de son amitié pendant sa vie, m’a comblé des bienfaits en mourant, m’ayant légué par son Testament la moitié des fonds qu’il avait en Angleterre; par là je me suis trouvé à même d’obtenir du légataire de ses effets Mr Xavier Zeltner Vos lettres originales avec les minutes de celles qu’il vous avait ecrites; j’etais bien jeune quand j’ai eu le bonheur de voir pour la prémière fois le Général à Paris en 1801. & l’enthousiasme avec lequel je l’aimai avant de le connoître, se changea en la plus tendre & la plus profonde vénération, lorsqu’il me permit pendant trois ans de suite de le suivre dans Sa vie privée; cette vénération aussi tendre & aussi profonde qui, après Son decès desesperait de jamais retrouver un objet où elle aurait pu se placer avec le même bonheur; cette vénération Monsieur, s’est porté toute entière Sur Vous après la lecture de vos lettres & j’ai cru pouvoir me permettre de Vous en faire l’aveu qui Soulage mon coeur en me faisant croire que Vous ne dedaignerez pas Son hommage. La perte du Général m’est d’autant plus sensible que je calcule mieux celle que ma patrie a faite en lui; car dépuis longtems l’humanité dans la vieille Europe ne peut placer Son espoir de renaissance que sur le nouveau monde & une de plus douces consolations que j’ai puisée dans vos lettres a été celle de voir que cet espoir etait bien fondé. Permettez moi que je gardes ces lettres; elles me serviront d’encouragement & d’appui.   Mr Xavier Zeltner un de plus intimes amis du Général chez qui il a demeuré ici entouré de tous les soins imaginables de toute la famille entre les bras de laquelle il est mort, s’était empressé de vous mander dans le tems cette triste nouvelle; mais Sa lettre envoyée par un negotiant de Bordeaux semble ne vous être pas parvenue; je prends soin de passer celleci par vôtre mission à Paris desirant qu’elle ait un meilleur sort & qu’en vous portant l’expression de mon attachement & de mon respect, elle vous assure de ceux de tous les amis du Général & de tous les bons Polonais. Je me trouve ici en visite chez Mr Zeltner & nous ne nous sommes entretenus que de Vous & de nôtre defunt incomparable ami; demain je pars pour Dresde où je veux me domicilier plus près de mon pays, ne pouvant y vivre aussi tranquille. Si vous daignez m’honorer d’une reponse, ayez la bonté de la recommander à votre légation à Paris pour m’être envoyée par le Ministre du Roi de Saxe qui y reside. elle me parviendra Surement par cette voie.

Agréez, Monsieur, nos voeux les plus Sincères pour Vôtre conservation & la constante prosperité de Vôtre patrie; nous Sommes Sûrs des Vôtres.