Thomas Jefferson Papers

To Thomas Jefferson from Ferdinand Leininger, 30 January 1809

Newyork ce 30 Janvier 1809.

Monsieur Le Président ,

En me donnant l’honneur d’écrire à Votre Excellence je sens que je devrais Lui demander pardon de ma liberté, d’autant plus que j’écris dans une langue étrangere; mais Ses soins assidus pour le Bien des Etats Unis, et la bonté avec la quelle Elle accueillir tout ce qui peut accroître leur prospérité, me rassure et me garantit d’avance une reception favorable. D’ailleurs comme je ne Saurais encore m’exprimer en Anglais, et que la langue allemande qui est celle de mon pays, n’est gueres commune dans ce Pays-ci, je me trouve dans la necessité d’écrire en français.

Il ya près de vingt mois j’ai eté amené dans ce pays-ci pour passer à Santo Domingo avec un Personnage déstiné par le Gouvernement français à y être le Chef de l’Administration et Ordonnateur de la Marine, du quel je me Suis Separé ici à Newyork parce qu’il m’a déclaré ne vouloir pas tenir ses engagements faits avec moi à Paris. Dans cette position désastreuse je me suis appliqué ici à faire des Lunettes, des Microscopes et des Téléscopes tant à reflexion qu’achromatiques, Talent que j’ai dépuis plus de vingt ans cultivé dans mes loisirs comme amateur, et qui est devenu une ressource utile pour moi dans ce pays-ci, où il n’ya que des Marchands d’instrumens d’Optique, mais pas un Artiste Opticien.

Il m’a eté aisé de m’appercevoir bientôt, qu’il Serait utile et même necessaire de faire ce travait en gros ou d’établir une Manufacture, parce que

1o. L’Europe n’envoye dans ce pays-ci que le rebut de ses manufactures en tout genre de marchandises, excepté une petite partie pour les gens riches, qui doivent les payer à un prix exorbitant; et que les Lunettes en particulier sont en grande partie si mauvaises, que loin de Soulager la Vue elles ne peuvent que la gàter.

2o. Parceque faute d’une manufacture américaine une Somme de plus de 100 Mille Dollars sort tous les ans de ce pays-ci Seulement pour les Lunettes et autres instruments d’Optique.

3o. Parceque l’état actuel du Commerce des Etats Unis les tient dépuis leur Revolution tributaires des Nations européennes, que leur fournissent des objets manufacturés, puisque les Américains doivent payer Sur le prix des Marchandises étrangeres toutes les taxes, contributions et impositions que les fabricans européens et leurs ouvriers payent à leurs Gouvernemens respectifs, Tandis que les étrangers ne payent rien au Gouvernement Américain, n’achelant dans ce pays-ci que les productions brutes du Sol qui n’est Sujet à aucune imposition.

4o. Parceque ce commerce n’enrichit que quelques milliers de Marchands, pour la pluspart étrangers et prêts à quitter ce pays, quand ils sont assez riches pour vivre de leurs revenus en Europe, et qu’il appauvrit le reste de la Nation entiere: Car les étrangers n’achetent ici que des matieres brutes de peu de valeur, dont souvent une cargaison entiere est payée par une Seule caisse de Marchandise européenne conténant des objets d’habillement d’ameublement ou de luxe, de sorte que des millions de Numeraire sortent annuellement de ce pays-ci sans jamais y rentrer, et que finalement il ne restera dans les Etats Unis que les billets des banques qui peuvent tomber comme les Assignats de la France, ou la necessité de l’echange en nature.

5o. Parce que dans le cas possible d’une prolongation de l’Embargo, ou d’une défense de toute intercourse avec l’Europe les lunettes et autres instrumens d’optique manqueraient presqu’entierement en Amérique, et qu’en cas d’une invasion étrangere, où il faudrait établir plusieurs lignes Télégraphiques, il n’y aurait pas le moyen de fournir assez de Téléscopes pour les Télégraphes. Dans le premier Cas la Malveillance excitée par des émissaires étrangers, et attentive à toutes les occasions de calomnies le gouvernement, s’égosillerait en criant contre Son déspotisme et sa dureté qui entrave le commerce et fait manquer au peuple ce qu’il y a de plus necessaire, comme elle le fait à présent par rapport au Sel. La mer n’est pas moins Salée Sur les côtes de l’Amerique que Sur celles de l’Europe: cela non obstant les negocians de ce pays-ci aiment mieux acheter le Sel chez l’Etranger que d’établir des Salines sur nos rivages. La raison en est facile à comprendre: Ils aiment mieux le commerce étranger que les manufactures internes, parceque celles-ci leur donneraient trop de concurrence, le public Saurait bientôt la veritable prix des marchandises, que Seraient meilleures et par consequent à meilleur marché que celles d’Europe; ils ne pourraient plus vendre leurs mauvaises marchandises, sur les quelles ils gagnent plus que si elles étaient bonnes, parce qu’elles durent peu, et que le peuple est forcé d’en acheter plus Souvent. Les Manufactures les attacheraient au pays qu’ils n’habitent que passagerement et y fixeraient leur domicile; d’ailleura la pluspart de Marchands ne connaissent que le Commerce ils en ont appris la routine dépuis leur adolescence et ne Savent que chiffrer, acheter et revendre; Tout genre d’industrie de Travail ou de Manufacture leur est inconnu, et il est si naturel d’être indifférent pour ce que l’on ne Connaît pas.

J’ai fait présenter mon plan d’une Manufacture de Lunettes et autres instrumens d’Optique en Gros à plusieurs gens riches de cette ville; et par tout on l’a renvoyé: On a trouvé le capital de 12 à 14 mille Dollars necessaire pour la dépense de la 1e année trop fort; en affecte de douter de la certitude du debit, de la protection de Gouvernement, ou de Son efficacité vû les fraudes journalieres des contrebandiers qui se commettent avec la plus grande facilité Sous la barbe des employés de la Douanne, on prétend que ce pays n’est fait que pour le commerce mais aucunement pour les manufactures, &c &c.

Rebuté de tant de refus et de difficultés et néanmoins desirant de naturaliser le Talent de l’Optique dans les Etats Unis pour diminuer cette exportation ruineuse de l’argent en Europe, et affranchir la Republique Américaine de ce Tribut onéreux qu’elle a jusqu’ici payé aux nations étrangeres, j’ai tourné mes vues Sur une petite Manufacture à établir pour mon compte avec un petit nombre d’Apprentifs que j’augmenterais dans la Suite. Mais outre que mes outils actuels ne Sont propres que pour travailler dans le plus petit détail comme amateur, et non pas pour le travail en gros pour le commerce, le manque de fortune ne me permet pas de me procurer ceux-ci, ni de me charger de l’entretient de plusieurs apprentifs, dû loyer d’une maison &c, à moins de trouver l’appui de quelque personne riche qui me prêtât au moins 1800 Dollars pour une année Seulement, après laquelle je serais en état de me libérer et de continuer le Travail sans assistance étrangers; Mais ici mêmes difficultés, mêmes obstacles. De plus, comme je n’ai point de fortune, on voudrait pour plus de Sûreté faire Société avec moi et au lieu d’un interêt honnête pour le capital qu’on me prêterait, partager mon benefice, ce que Serait contraire à mes interêts et à la réussite de mon entreprise.

Dans cet état des choses il ne me reste qu’à implorer l’assistance du Gouvernement pour être mis en état de réaliser mes Vues patriotiques. J’ai une pleine confiance dans le Zele éclairé de la Représentation Nationale pour le Bien géneral, qu’elle authorisera Votre Excellence à établir pour le benefice de l’Etat ou d’une Maison de bienfaisance une Manufacture d’Instrumens d’Optique en Grant d’après le plan ci joint A, ou à me mettre en état d’en établir une petite pour mon compte Selon le plan B en me prêtant une Somme de 1800 Dollars pour un an Seulement, après lequel je la rembourserais avec les interêts de coûtume.

Comme je ne connais ni aucun des Membres du Gouvernement, ni la marche ordinaire des affaires de ce genre, je Supplie Votre Excellence de leur communiquer mes plans avec le Sujet de ma demande, après quoi je ne doute aucunement que la proposition ne Soit adoptée.

Qu’il Serait glorieux après tant d’ameliorations et de bienfaits sans nombre que la Nation Américaine à reçus Sous la Présidence de Votre Excellence, si la derniere Epoque de Sa carriere Administrative se trouvait encore illustrée par l’introduction dans les Etats Unis d’un art qui y a été jusqu’a présent inconnu, et aussi utile et necessaire que l’Optique.

Je Suis avec le plus profond respect Monsier le Président, de Votre Excellence le trés humble et trés obéissant Serviteur

Ferdinand Leininger Opticien

Barclay Street N. 47.

DLC: Papers of Thomas Jefferson.

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